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Dalivision - Méditations et Oeuvres Paranoïaques Critiques

31 décembre 2011

Caban

Lorsqu'il est rentré dans le pub, il était trempé. Au dehors, la pluie battait autant que soufflait le vent, arrachant aux arbres une souplesse qu'ils ne se connaissaient pas, si tant est que les arbres pouvaient connaitre quelque chose de leur souplesse. Ses cheveux, sans doute originellement chatain de châtaigne mais intensivement brunis par l'eau qui les avait inondé, était ramené maladroitement en un catogan de fortune, ruiné par les éléments déchainés de l'extérieur, qui tombait négligemment, comme une poupée de chiffons, sur son épaule. Son visage ruisselait, et la lumière s'amusait à jouer de prismes et de scintillement sur ses sourcils, épais et inélégants, son bouc taillé tout en pointes sur des poils courts, ses longs cils, délicats, affreusement dissonants avec son nez massifs et ses gros yeux couleur de terre en friche. Son habillage était des plus simples — un caban bleu marine que l'eau céleste avait manifestement décidé de transformer en une sombre éponge aux boutons brochés d'ancres — puisqu'en soi, il n'était que quelqu'un parmis d'autre quelqu'uns. Un client d'un soir dans le pub d'une ville au bord d'une mer qui menait vers un océan. Classique. Presque pittoresque, en fait.

Tout était trop gros. Un bar sur le port de Brest, un lundi soir. Un mec aux allures de pirates, à qui il ne manquait qu'un anneau à l'oreille, avec un caban, des cheveux attachés, qui gesticulait dans une attitude qui exprimait l'habitude la plus évidente. Le voilà qui s'éponge les sourcils et le front, haletant, qui se frotte les yeux, émet un jappement, celui du chien qui se secoue après un bain, défait son manteau pour ne laisser voir au final qu'un pantalon et un pull aussi noirs que du charbon; qui se saisit du dossier d'une chaise, près du comptoir, y dépose le caban en l'étalant de façon à le sécher sans doute, s'asseoit, et commande une pinte, sortant à l'avance le petit billet gris, élément essentiel de son troc.

Tout était trop évident, trop ostentatoire, pour être anodin. Cet homme était trop normal, trop commun, trop déjà vu. Il est impossible d'être aussi banal que cela. La banalité n'existe pas; pas plus que l'originalité, en tout cas. Non, quelque chose clochait, chez cet homme. Je me devais donc d'aller lui parler. Qu'aurais-je pu faire d'autre?

Cet ainsi que je lui ai adressé les premiers mots. Impossible évidemment de m'en souvenir, qui se souvient des premiers mot qu'on prononce à un inconnu? Ceux ci sont d'une banalité déconcertante. On va mentionner peut être les ravages de la tempêtes de ce soir, on va conseiller une boisson plutôt qu'une autre, on va faire une remarque sur l'attitude ou l'accoutrement, provoquer ou pas, être sympathique ou pas. Le tout était de prononcer un mot, distinctement, clairement destiné à ce type trop banal pour l'être, pas assez original pour l'être également. C'est ainsi que nous avons engagé la discussion.

Je ne suis pas ici pour vous dire ce dont nous avons parlé. Ceci était notre conversation. Je lui ai appris des choses sur moi, moi sur lui. Je ne vais pas vous mâcher le travail. Si vous voulez en savoir plus à son propos, parlez lui. C'est comme ça qu'on apprend. Moi, j'ai du mesurer mes propos, choisir mes mots, me laisser réagir en toute liberté ou modérer mes ardeurs, me confier et recevoir, faire don de moi et réception de son être, pour le découvrir. Cela représente du travail, sans qu'on le sache tout à fait. Je ne vais pas travailler à votre place. Chacun sa croix.

La véritable histoire que je vous raconte, ce n'est pas qui il est. Mais comment  je l'ai rencontré.

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28 décembre 2011

Gare

Revenir aux sources.

Ce n'est pas une mauvaise idée. Cela faisait assez longtemps que j'étais retourné voir un de mes anciens blogs. Après tout, c'est vrai. Quand j'ai écris ces choses là, j'avais, allez, quoi... 17 ans? 18 ans? Du temps a passé depuis. Oui, 18 ans, ce devait être ça. Peut-être 19. Au grand cas.

Du temps, donc, a passé depuis. De l'eau a coulé sous les ponts, du vents a soufflé. Des feux se sont allumés, et se sont éteints. La marée est venue et repartie, comme à son habitude, autant que la Terre à bougé, que la vie est née et morte, à chaque instant, chaque seconde. Au final, rien dans le monde n'a changé. Qu'est-ce qui change, réellement?

Si on suit la loi de Laplace, celle selon laquelle rien ne se perd, rien ne se crée, mais tout se transforme, les choses ne cesse jamais de changer. L'instant d'après, je ne suis plus le même. De multiples choses ont lieu, en moi, en vous, en chacun. En chaque chose, même. Un fruit, un brin d'herbe, un lion, ils ne sont jamais les mêmes. Ils ne le seront plus jamais. Ils changent, ils viellissent, ils n'ont plus dans leur corps ce qu'une miette de temps plus tôt ils avaient. Ou alors, ces choses aussi ont changé. A une vitesse folle, incalculable. Qui saurait resister à une telle accélération? Sûrement pas la vie.

La vie est faite pour mourir. La vie passe son temps à s'accélérer. Les années de l'enfance semblent éternelles, parce qu'elles coulent lentement. J'ai passé la moitié de ma vie à vivre mon enfance. Et tant que je serai vivant, mon enfance va rester la moitié de ma vie. C'est logarithmique. C'en est affolant comme c'est fatal. Un coup de poing dans le plexus, celui qui tire des larmes. La vérité, en quelque sorte.

J'ai passé la moitié de ma vie à jouer avec des voitures que je n'ai plus dans une chambre que je n'ai plus dans une maison que je n'ai plus dans une ville que je n'ai plus tout à fait dans un pays que j'ai encore mais pour combien de temps? juste assez celui qu'il faudra pour mourir. A jouer aux voitures, à profiter du soleil l'été, et à m'ébattre dans la neige, l'hiver. A boire du chocolat tiède, parce que trop chaud m'aurait brûlé, trop froid aurait empêché le chocolat de se dissoudre. A manger les légumes que j'aimais en prenant le soin minutieux et quasi psychotique de réunir, comme un orfèvre choisissant correctement ses émeraudes, tout ceux que je n'aimais pas sur le bord de mon assiette. A prendre des gifles, à en donner aussi. A rire quand je ne le voulais pas, et à pleurer pour un rien. A jouer avec ce petit train électrique qui fonctionnait avec des disques à picots, alliant l'ingénu de la boîte à musique et le style de la platine-vinyle, qui jouait ses petites mélodies alors qu'il avançait. J'ai passé la moitié de ma vie à attendre régulièrement le père noël sur des espaces qui, parce que non euclidiens, se rapprochaient de plus en plus. A déchirer du papier cadeau, et à rater ceux que j'essayais de faire. A faire plaisir à mes parents en ayant de bonnes notes, et à faire plaisir à la classe en acceptant de prendre le bon rôle de tête de turc, parce qu'il en faut toujours un. A aimer, à haïr. A aimer. A aimer encore, toujours déçu. Mais toujours à aimer. Toujours à grandir.

J'ai passé la moitié de ma vie à grandir, et je vais passer l'autre moitié de ma vie à vieillir. La première moitié, elle a fait 20 ans. La prochaine moitié, peu importe combien elle fera. Ce sera toujours la moitié. A force d'être le gamin qui a hâte de voir Noël et son anniversaire arriver plus vite, j'ai accéléré le temps. Et maintenant, voilà que je découvre qu'il n'y a ni frein, ni marche arrière. Que le temps est un semi-remorque polonais lancé à vitesse de pointe sur une route de campagne.

Gare à qui se trouve sur mon chemin. Gare à celui qui voudrait en descendre.
Gare au conducteur.

Prochain arrêt : terminus.

25 juin 2010

Il en fallait un, forcément.

— "Cueillerai-je, un jour, ton espace?
Lune, intouchable, ma quête sans fin!"
— "Ô ami, sais-tu que les fleurs sont basses
Et que tu peux en saisir le parfum?"

 C'est ainsi que j'entendais un soir
L'Ami parler à l'Homme.
Obtuses étoiles! dans le noir,
En brillant, elles somment,

Comme une flamme pourpre qui délie les lèvres,
Le Vrai, par la bouche de l'ami, de parler.
—"Ô mon frère, si loin les cèdres et les fièvres!
Entends moi, tu ne peux jamais les emporter!

Ces créatures de la nuit,
L'enfant qui chante peut les atteindre :
Omettant le temps et le bruit,
En rêve, il sait qu'il peut les étreindre.

C'est le roi du monde, l'Enfant, l'insouciant!
L'Homme qui rêve, et qui touche l'intouchable,
Ornant d'ambre, d'or, de rubis et d'argent,
En rêvant, simplement, l'horreur et l'aimable.

Celui qui n'a jamais grandit,
L'Enfant éternel : qu'il avance!
Orphelin qui danse et qui rit,
En fantôme du temps : avance!

Calme nos douleurs, claires comme le destin;
Lisse nos rides creuses, creuse nos pensées!
Ô danse et bats la terre, et dis nous que la main
Enivrante du temps ne s'abattra jamais!

Car si c'est ainsi, ami, si le temps se fige,
La vie est éternelle, et la jeunesse encor!
Onirique! L'attente n'est plus un vertige
Emmuré dans l'espace restreint de la mort!

Cette Lune pâle, alors, toujours tu pourrais
La courtiser pour toujours — l'atteindre peut-être!
Oubliée, la mort, car du temps, oui, c'en est fait!
Et tu pourrais, sans crainte, toujours espérer.

Cause perdue! Je te vois qui en rêve,
Là, songeant toujours à tes souvenirs,
Ondulant sur ta peau, comme la sève
Encline, d'un mot soudain, à bouillir.

Casse ces briques, brise ces murs,
Lacère ces toiles vagabondes,
Oins de suie ces mirages trop durs,
Enivrants comme un désert qui gronde.

C'est la Lune! La Papesse!
Le rêve insensé de minuit,
Occulte comme une messe,
Et belle comme une coeur qui fuit!

Cerne le monde, et ouvre les yeux :
Le port de ton front, déjà, se plie!
Ô, si jeune, tu deviens si vieux,
Et tu attends que la mort vous lie?

Calme! Il n'y a rien après! Regarde, elle approche,
La faux, à pas géant, de ton coeur qui attend!
Obéis, frère, si la vie t'es un peu proche :
Ephémère, c'est l'éphémère l'important!"

Comme ces mythes qui toujours nous dépassent,
La sentence, douloureuse, résonnait :
— "Ô ami, tu sais que les fleurs sont basses,
Et que tu peux en saisir le parfum!"

19 mai 2010

Palimpseste

    Etrange, car j'avais cru disparaître, moi aussi. Disparaître encore, mais peut-être pour toujours, cette fois-ci. Finalement, je suis toujours là, n'est-ce pas?

    C'aurait été profondément idiot de ne jamais revenir, je serai forcément revenu ici un jour. Comme le criminel sur le lieu de son crime, qui y revient toujours; oh, pas forcément lourd de remord, mais parfois, ne serait-ce que pour se rappeler le doux souvenir de son crime : le hurlement de la victime apeurée, ou bien son silence ethéré; la nudité primordiale de son être ou son grand costume de tissus bariolé acheté la peau du cul dans je ne sais quel magasin qui emploie des personnes d'un âge que je ne veux pas savoir dans un pays que je ne veux pas connaitre; le tremblement de ses membres, comme un frisson érotique, ou le frappant stoicisme de l'acceptation de la fin inéluctable; se débattre, peut-être; le pied qu'il a pu prendre en sentant ce petit souffle qui s'en va... Quand Freud parle de l'association de la pulsion de mort à celle d'érotisme, ce n'est pas tout à fait faux, au final. Tuer, c'est peut-être un moyen de prendre son pied, qui sait?

    Je n'ai jamais tué. Non, c'est faux. J'ai déjà commis des meurtres, des assassinats, des crimes. Tuer une idée, ce n'est pas tuer un homme, c'est parfois pire. Renoncer peut-être être une forme de suicide ultra-sophistiqué. Bravo.
    L'avortement d'une idée : en voilà, un belle chose. L'avortement, de toute façon, reste un meurtre, un assassinat, un crime. Pire : un carnage, un massacre, un piétinement des fiertés. Pas au sens humain du terme, j'entends. Des messieurs et des madames très savants se lancent déjà dans ce débat vide de sens sur si oui ou non tuer un ersatz d'être humain, un être humain potentiel, un être humain avant l'être humain, un amas de cellules formant une entité encore inconsciente, tout comme nous, revient à tuer l'amas de cellules formant l'entité encore inconsciente que nous sommes. Non, l'avortement, c'est un meurtre symbolique. Ce sont plusieurs meurtres symboliques : je tue cette chose : pour me tuer moi de l'avoir portée, pour te tuer toi de ce que tu m'as fait porter, pour tuer le souvenir de sa création, pour tuer la société qui m'empêche de le garder, pour tuer l'environnement, pour tuer, pour tuer, pour tuer... Vengeance, désespoir, idéicide. L'avortement est le meurtre en série des acteurs du drame qui se joue autour de nous. Autant crime que justice, je le dit, je n'entrerai pas dans ce foutu débat. Laissez moi me battre plutôt pour les autodafés, ils portent bien plus de connaissances, et ce n'est pas en valeur potentielle.

    L'avortement d'une idée, une forme de suicide? Un suicide en série réussi, même. J'assassine l'illusion que je m'étais faite, je tue la stupidité que j'ai pu avoir, je massacre rageusement les événement et l'environnement qui m'empêche de réaliser ce que ma stupidité et mon illusion m'ont laissé entre-prévoir, je me tue moi parce que je ne sais plus quoi faire... Une idée qu'on tue, qu'on range dans un placard, c'est une bouffée de 365 cigarettes prise en un coup, c'est un amas d'overdoses, c'est la métastase collective qu'on crée au sein de sa tête.

    Renoncer, c'est partir un peu, c'est mourir beaucoup. C'est jouer à Jésus avant l'heure, c'est se faire un remake de la nuit des morts vivants : on est plus qu'un corps en attente d'un objectif, en attente de quelque chose QUI VAILLE LA PEINE QU'ON EN MEURE!


    Mû par l'irrésistible envie d'écrire. Oh, vous savez, rien de bien extraordinaire, c'est déjà beau que j'aie pris la décision de ne pas complètement et purement effacer cette page une fois qu'elle sera terminée! C'est une réaction commune, chez moi : ce qui n'est pas assez bien ne vaut pas la peine que je le garde. Ce sont des grandes manières, n'est-ce pas? C'est un comportement de petit snobinard avachi sans état d'âme. Ce n'est pas tout à fait à faux, à ceci près que je n'ai ni les moyens financiers ni les moyens sociaux de conserver et assumer pleinement ce rôle d'intellectuel socio-gaucher. En un mot, on peut aussi résumer cela au fait que je suis un gros branleur.

    Donc, écrire, simplement. Ecrire en tant qu'acte quantitatif, pas forcément qualitatif. C'est bizarre, c'est tout ce que je déteste, en réalité. Pourquoi prôner l'art lorsqu'on ne s'attache pas à la qualité de son éxécution? C'est l'hopital qui se fout de la charité, je sais; c'est pire, même : c'est l'UNESCO qui joue à "pas de bras, pas de chocolat" avec des ethiopiens minés. Triste, non?

    Attention, cela ne veut pas dire forcément écrire n'importe quoi. On est pas dans le surréalisme primaire du genre auto-écriture, hein. De toute façon, il faut bien un acte de réflexion précis quand il s'agit d'écrire, car entre ce qu'il se passe dans ma tête et ce qu'il se passe sur la page internet que vous lisez, il y a déjà eu plusieurs barrières de douanes que les mots ont du franchir. Toutefois, rassurez-vous : on retrouve toujours des idées clandestines, ou que ce soit. C'est la magie de l'idée, de toujours arriver à bon port, même déguisée. On ne peut pas condamner une idée : allez foutre des menottes à des ronds de fumée, je voudrais vous y voir, moi! On ne brûle pas les idées, ça les aide à se transporter; on ne massacre pas une idée, ce serait comme lâcher une bombe A sur un spectre millénaire. L'idée, l'Essence. Le Parfum, tout simplement.

    Son parfum. On ne s'en défait pas au final, c'est comme tout. On pense pouvoir tourner la page, gommer la feuille, et repartir tranquillement dessus comme si de rien n'était. Mon coeur est un palimpseste : j'ai bien tenté d'effacer et de réécrire une histoire par dessus la tienne, mais l'encre est bien trop voyante, le parchemin en est trop fortement imprègné, tout est tellement si fort dans ce que tu as écris à l'encre sur mon corps... Le parchemin n'est pas en cuir : il est fait avec la peau de mon crâne, de ma poitrine, de mes mains. Et j'ai beau vouloir réécrire une histoire très vraie à l'encre bleu pâle sur cette feuille que le temps n'a même pas réussi à jaunir, à chaque grattement de la plume sur cette surface douée de mémoire, je tombe sur tes mots, sur les notres, à l'encre noire, foncée et profonde, sautillante, parfois de ton écriture légère, parfois de mes grosses lettres épaisses et lourdes. Dès que je tente d'écrire, comme maintenant, je me rend compte que la seule chose que je suis capable de faire à l'heure actuelle, c'est lire le premier texte, ce texte d'origine, le tiens; et comme pour défier le monde, pour mettre la haine à ce "motherfucking random-ruled world", pour vainement essayer d'écraser cette foutue théorie du hasard, je prends à contresens chacun des mots noirs que je vois, espérant pouvoir peut-être recouvrir l'encre.

   Mais je vais t'avouer quelque chose, qui va rester entre nous, alors, soit bien secrète, d'accord?
   Quand j'écris par dessus notre histoire, en fait, j'essaie souvent de ne pas appuyer trop fort sur la plume.
   J'aime bien nous relire. J'aurais voulu simplement que l'histoire soit plus longue.
   Mais chut, c'est un secret.

10 décembre 2009

Plume bleue

Les portes s'ouvrent grand, et les portes se ferment,
Des souterrains s'écroulent, et le triste épiderme
De ta Terre, ô Maçon, s'affaisse doucement
Sur les chapes de plomb et les butées d'argent,
Sur le grisou, la poussière et son amertume,
Sur le sable, le sol, le méthane et ses brumes,
Sur les feux follets, les fantômes des enfants;
Ô mon triste prêtre, ton portail triomphant

Bat des portes,
Bout des gonds
Claque au vent
Sans raison.

Où est ton coeur? Où est ton âme? Où est ta tête?
Pourquoi laissas tu tout au dos d'une allouette?

Aile morte
Sans raison
Claque au vent
Scribouillon

Je caresse et pique quand la lune s'allume :
Je ne suis pas l'Oiseau bleu : simplement sa plume.

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2 octobre 2009

Gare

    J'ai finalement repris mes activités de poèmes de gare — avec une nouvelle technique que j'ai empruntée au surréalisme, et que j'ai additionnée à classicisme : forme et agencement classique des vers, mais écriture automatique lui est alliée : j'écris les premiers vers qui me passent par la tête, métrique et rime étant gardés — étant donné que je suis amené à prendre le train tous les jours, dorénavant. Ce qui n'est pas plus mal, au final. Il faut avouer qu'au milieu de l'automne, les paysages traversés par le train sont tout simplement magnifique de chaos et de dévastation.

    La rouille des rails et l'orange des rangées dérangées. Le charbon roussis, le bois de remplissage, la caillasse, les herbes mortes, les collines de la vallée de la Seine : partout, la forêt autour de ce trajet qui traverse nulle part. Splendide défilé de l'industrie morte vivante. Des usines désaffectées pour des machines désinfectées, et des machines délaissée sur la route et ses lacet.

     Le monstre de métal qui hurle au dehors le silence du dedans. Les wagons vides, le soleil qui brûle à travers le plexiglas, les sièges, les tables, l'orange des intérieurs, le bois qui s'use, le verre fumé par la poussière, le sable, le vent et la chaleur...

     La "Rust Rail" de Paris-Rouen est tout simplement merveilleuse dans un coucher de soleil.

Devant moi défile un paysage de rouille :
Cendres rousses et brunes, neiges de métal;
La mémoire en amont et le coeur en aval,
Nos vies qui voguent sur ce fleuve que tous souille,
Nos mains qui s'effritent aux sons des cloches grises,
Nos doigts qui s'envolent, érodés par le temps,
Ma peau qui me quitte comme un bronze éclatant,
Le Printemps qui s'envole, et la Lune est assise.

Sièges bleus
Striés de vert
Nuageux
Ciels de lumières
Verre et métal ensemble noués.
La nuit qui me porte, et cette locomotive.
Viens me chercher, poudreuse vive
Un pays s'effile, et il est si brouillé.


3 septembre 2009

Dialogue 1

    J'ai retrouvé en rangeant mon placard un vieil écrit que j'avais commencé à composer à l'occasion d'un bac blanc anticipé de français, lorsque j'étais en première (c'est à dire vers fin 2006 je pense). Le thème était de confronter des points de vue par rapport au théâtre dans un dialogue : l'un devait renier les bienfaits du théâtre sur la société et l'être humain, en mettant en avant son caractère distrayant et chimérique, tandis que le second devait défendre l'art de Thalie, quitte à oublier son côté purement factice.

    A cette époque, comme j'étais quelqu'un de particulièrement mélancolique (toujours?), je m'étais mis en tête de le rédiger à la manière d'un dialogue versifié selon les bonnes règles de l'art, en alexandrins... Sauf que je n'avais ni expérience de la versification, ni expérience de la poésie vécue en elle même, ni même expérience concluante de l'écriture : je pensais pouvoir le faire, et j'étais à la fois imbu et satisfait d'un travail qui ne valait pas un clou.

    Toutefois, j'ai gardé ce texte quand même, car j'y ai trouvé de jolis morceaux, quelques alexandrins bien jolis, et surtout un parfum du passé. C'était sans doute ce qu'à l'époque j'avais fait de meilleur, et j'avais pourtant les mauvaises habitudes de "l'adolescent pseudo-poétique", c'est à dire, entre autre, enchainer sans les compter la rime facile en "-é", sans doute la rime la plus simple et la plus inélégante si prolongée de la langue française, ne serait-ce que parce qu'il suffit d'énumérer des verbes du premier groupe, c'est à dire toute une colonie de fourmis, ou d'utiliser des tournures affreusement simple et insipide qui permettent d'amener l'infinitif. Et pourtant, quand je regarde ce texte avec un oeil critique, je sens tout de même percer un peu naturellement les règles de la poésie "classique" : j'y trouve parfois l'alternance consonnantique/vocalique ou féminine/masculine, les césures bien placée, les rythmes, quelques figures de styles, venues naturellement. Ce texte que j'ai retrouvé me conforte un peu plus dans l'idée que les figures que nos professeurs s'acharnent à nous faire rechercher arrivent à l'écrivain naturellement, sans qu'il y ai forcément une volonté propre et distincte en tant que cause de sa présence, si jamais il sait un peu ressentir la poésie de son sujet. Des choses que j'ai perdu, je crois, à force de "mesurer" et "mètrer" mes écrits...

    Le texte est donc assez maladroit, mais parce que je l'aime, je le met quand même :

VASSILI
Ah!                                                         
                           
PIOTR
Oh!                              

VASSILI
      Vielle fripouille!

PIOTR
                                                 Grande canaille!

VASSILI
                                                                                  Holà!
Loué Seigneur! Ami, que viens-tu faire là?
Piotr, vieux frère! Quel bonheur t'ammène ici?

PIOTR
Le plus exquis de tous les arts, cher Vassili!
Et te revoir me donne les plus grandes joies :
Deux ans déjà que je n'ai entendu ta voix!
Et toi, vis-tu aussi mourir et soupirer
Pour les yeux d'une femme un poète au grand nez?

VASSILI
Ah! Ne m'en parle pas! J'ai horreur du théâtre.
Je ne peux supporter ces comédiens de quatre
Sous, qui récitent mal et portent au plus bas rang
Ce qu'ont écrit les grands poètes de tout temps!

PIOTR
Que dis-tu? Tu vois les choses avec des yeux
Qui sont moins ceux d'un juge que ceux d'un envieux!
Ces hommes là, ne les jalouserais-tu point?

VASSILI
Dans cette affaire la jalousie n'est pour rien.

PIOTR
Tu ne les aimes pas, mais sais tu seulement
Quelle envergure peuvent prendre leurs talents?
Si seulement tu savais, comme leur mécène,
Combien ils changent l'histoire sur une scène!
C'est le doux art que la belle Thalie créa,
Et toi, toi... tu penses que...                                     

VASSILI
                               Je ne pense pas.
La raison est ma vie; la logique, ma mère.
Je n'ai besoin de rêver d'un monde éphémère,
Et je préfère de loin un travail laborieux
A ces chimères que l'on présente à nos yeux.
On peut vivre au bruit d'un artifice que casse
Mais on en est pas moins dans le temps et l'espace.

PIOTR
Tu te dis raisonnable. Encore faut-il de l'esprit
Pour user avec adresse ces beaux outils.
Avoir des émotions t'en donnerait assez
Pour qu'au théâtre, alors qu'une pièce est jouée,
Tu voies ton voisin, sur sa chaise, cloué,
Unir son esprit au tiens pour rire et pleurer;
Sentir l'excitation d'un public mis à vif
Pa un sage bileux ou un guerrier pensif
Par les cris de Phèdre et les pleurs de Chimène;
Et entendre le grand récit de Théramène,
Frissonner d'horreur en voyant Oedipe roi
Ecouter la triste vérité, plein d'effroi;
Et ressortir, nu, comme un enfant nouveau né,
D'un purgatoire où soupir et terreur mêlé
A la fois nous offre un soulagement immense
De ne pas vivre ces funestes récompenses
Et nous terrorise à la pure évocation
Des divines vengeances et leurs tristes raisons.
On rentre seul chez soi, et alors seulement
Au fond de la nuit, on se sent insignifiant.
On reste terré, en pleurs, couché dans un coin,
Se sachant le minuscule jouet du destin.


1 septembre 2009

Note 1

—Note du 19 Mai 2009.

    «Je commence à perdre pied. Non seulement par rapport à ce que je ressens pour les autres, mais également par rapport à ce que je voudrais ressentir. J'aime à tout va, j'ai l'impression. Dans le fond, est-ce que j'aime la féminité entière, ou bien est-ce que je n'aime personne et joue un rôle que j'aimerais vivre? Pourtant, je n'arrive pas à me détacher du fait d'avoir été - et d'être - amoureux.

    Non, la réalité est toute autre, je crois. Encore des croyances, toujours des croyances, rien que des croyances; je vis dans un monde de croyances : les miennes.

    J'ai dit à mes amis que "j'aimais" sans réellement réfléchir à ce que parfois je disais. Je ne suis qu'un sale opportuniste, et comme j'ai un sens ridicule du théâtre, j'ai tout donné toujours, toujours tout jeté dans le vide, dans la Géhenne infernale, celle où Juan se fait entrainer par le commandeur. J'ai écrit, pour elles, j'ai veillé, pour elles... Et au final, je ne suis pas plus déçu que cela, parce que la vérité est qu'au fond, au final, réflexion faite, méditation faite, fouille faite, retrospection et introspection faites, une seule personne importe sentimentalement à ce point nommé "amour" à mes yeux ma tête et mon coeur : Cloé. Et maintenant, depuis longtemps, sans le savoir tout en en ayant conscience, je suis dans cette position du menteur que son mensonge dépasse.

    Je suis partagé entre le coup dur que ce serait pour mon amour propre de m'avouer m'être menti à moi même pendant si longtemps, et d'avoir partagé certains mensonges cachés avec Jeff; et d'avoir maintenant à assumer le fait que je me suis trompé trop longtemps, tout en gardant un semblant d'honneur sauf... Les aveugles qui guident les aveugles, et la brume qui ouvre le chemin aux non voyants. Je n'ai jamais accepté mes erreurs, je ne les accepte toujours pas. J'ai la sensation que c'est impardonnable. Non, la vérité m'a "ouvert la yeux", et il n'est plus question de se mentir, de considérer les choses autrement que comme elles sont et doivent être.

    Toutefois, cette histoire m'aura servit de prétexte à exercices de style. Encore des mensonges, encore des croyances, encore de la cécité dans la brume. J'avais besoin de noms que je pouvais me "permettre" de "tenter", sur lesquels je pouvais travailler pour en obtenir quelque chose de simplement beau, des essai, des jet, des études, des brouillons, presque, dans la mesure où les sentiments ne m'imposaient pas et ne m'ordonnaient divinement pas de les élever jusqu'à Dieu et au delà.

    Peut-être est-ce pourquoi je n'ai jamais réussi à écrire une acrostiche sur Cloé. Comment rendre compte de qui elle est pour et contre moi en seulement 4 vers? Cela dépasse mon entendement actuel, c'est de la folie : on en rêve sans l'atteindre. Et surtout, lui donner la gloire, le sublime, l'élévation, l'invitation au voyage éternel qu'elle mérite dans la mémoire de Dieu et du monde. Car elle mérite beaucoup plus que ce que je ne saurais lui écrire au jourd d'aujourd'hui. Je ne sais faire d'elle qu'un second soleil de nuit, une Lune, une veilleuse, un leitmotiv de mes écrits. Mais si je dois dévouer une véritable oeuvre à Cloé, il est absolument hors de question que je rate, que j'échoue. Cela, ce serait réellement impardonnable à mes yeux. Les anges qui ne montent pas ne peuvent plus que descendre.

    Pourquoi ne l'ai-je pas compris, ne me le suis-je pas révélé plus tôt? Elle m'aimait, et, je l'espère au fond de moi, vainement, peut-être, m'aime toujours, si cela se peut. Je l'espère, car il est évident que chaque pensé que j'ai pour elle est une rame et une voile de plus sur la caravelle qui m'emmène à Cythère.

    Je n'oserai pas l'embrasser. Avec ces autres filles, que je voyais comme des "occasions", triste vision, je n'avais jamais hésité, parce que, dans le fond, c'était sans importance : je n'avais rien à perdre, tout à gagner. Pour Anais, j'avais hésité, et c'est cela qui fut fatal. Pour Amandine, j'avais hésité, et m'étais lancé par impatience. Impatience qui fut elle aussi fatale.

    Mais hésiterai-je assez peu pour Cloé, ou bien est-il déjà trop tard pour ne plus se noyer, et déjà l'heure de se morfondre?

    Je ressens pour elle, je crois, des sentiments plus purs que pour Anais et Amandine, dans la mesure où il n'y a que très peu de versant érotique dans ces sentiments. Je crois qu'elle a plus séduit ma tête que mon corps, au point que ce dernier sait, pour une fois, se taire et se recueillir devant cette beauté vraie et douce de ses traits et de ses courbes; sensibilité et douceur.

    Je crois que je l'aime, je sais que je l'aime, et je vais arrêter d'écrire.

    Je t'aime, parce que tu es tellement différente et plus pure et plus belle que l'idéal que j'avais autrefois.

    Tu es la Papesse. Mystère et beauté. Infinis.»

1 septembre 2009

Lettre à sens unique 2

    Bon, eh bien, ça y est, ma chère.

    Je ne sais pas si tu tenais réellement à jouer, vraiment. Après tout, je te connais, ce n'est pas ton genre de jouer avec ce genre de petits animaux aussi attirants qu'effrayant que sont des sentiments, surtout quand ce sont les parasites des autres qui viennent influer sur ta vie, et sur lesquels ta vie influe également. Non, je ne pense pas que tu aies voulu jouer à la muse non atteignable, mais malgré toi, tu es la Reine de l'échiquier sur lequel je joue contre moi même. Coup du berger, où je me suis laissé avoir par une ouverture facile, attente du coup final, je croyais que tout était parfait... Et puis finalement la situation se retourne. Je perds la partie que je ne voulais pas jouer. Je n'aime pas jouer. Je n'aime pas perdre. Et je perd toujours.

    Et là, tu m'entraines dans un ex aequo cruel, un pat offensant, presque. J'ai perdu le jeu, j'ai presque perdu toute ma dignité, et maintenant je perd la tête.

    Mais qu'est-ce qui te prend de me donner des espoirs comme ceux que tu me donnes? Pourquoi me dis tu que tes yeux brillent quand tu me regardes, même si tu n'es plus avec moi, de la même façon que celle des miens lorsqu'ils t'observent, avide, triste, et embués? Pourquoi est-ce que tu me dis qu'une fois que tu auras parlé à ce médecin de l'affectif, ça ira sans doute mieux pour toi et tes notions de l'amour, que c'est que tu as peut-être un blocage, que c'est cela qui nous a tué? Pourquoi tu me laisses gentiment et doucement penser que les palpitations de mon coeur n'appartiennent qu'à ce pion qui joue les fous, pourquoi est-ce que tu me laisse ne serait-ce qu'un seul instant croire que je peux te récupérer si ce type fais correctement son travail? Pourquoi tu me laisses croire et me dis tout ça? Pourquoi Cloé, pourquoi?

    Pourquoi tu me dit que ça ira mieux "après"? Après quoi Cloé? Cloé, pourquoi tu es si optimiste, alors que nous le savons tout les deux, dans des moments comme celui ci, tu es aussi pessimiste que moi? Pourquoi tu ne te bats pas pour dire ce que tu penses, pourquoi tu refuses que je t'aide, pourquoi tu laisse tout le monde te dire ce qu'il veut parfois sans rien dire, pourquoi tu me caches ce qu'il y a dans ton coeur ? Pourquoi ? Pourquoi? Pourquoi?

    Pourquoi t'es partie, Cloé, après avoir tellement attendu? Pourquoi est-ce que j'ai été aussi con? Pourquoi j'ai été débile de ne rien voir, pourquoi j'ai été idiot, pourquoi j'ai l'impression d'avoir tout fichu en l'air en ayant rien commencé, pourquoi j'ai l'impression d'être arrivé trop tard, pourquoi je suis con?

    Pourquoi ça a pas fonctionné? Pourquoi ça a mal tourné alors que sur le papier et dans ma tête et mon coeur, cela devait être parfait, la perfection incarnée, le nirvana, le summum de nos vies?

    Pourquoi je ne comprend plus rien? Pourquoi je suis là, a pleurer comme un idiot devant un ordinateur à te raconter une lettre que je ne veux pas que tu lises?

    Pourquoi je t'aime encore, alors que tu n'y réagis presque plus?

    Pourquoi la vie est comme ça?

    Pourquoi tu ne m'aimes plus, Cloé?

25 août 2009

Acrostiches "Les cendres..."

Les Cendres
Iles tendres
S'envolent
Et mentent.

Laissent choir
Ici
Senteur
Et vie

Lueurs
Incandescentes
Soufre
Et gouffre.

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Dalivision - Méditations et Oeuvres Paranoïaques Critiques
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